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Doit-on se réjouir de la mort prochaine du ticket de caisse ?

Sus au gaspillage de papier ! Le ticket de caisse doit passer à la caisse avant janvier 2022. Une idée écolo (encore que…) qui n’est pas sans faille et suscite l’inquiétude des associations de consommateurs.

La mise à mort du ticket de caisse a eu lieu mi-décembre, par le biais d’un amendement au projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Porté par Patricia Mirallès, députée La République en marche (LRM) de l’Hérault, et adopté le 13 décembre par l’Assemblée nationale, il prévoit la fin de leur impression systématique (sauf demande expresse du client) pour les montants de moins de 30 euros, d’ici au 1er janvier 2022. Pour les achats inférieurs à 10 euros, la mesure pourrait s’appliquer dès septembre 2020.

Son impact environnemental serait désastreux :
« plusieurs dizaines de milliard de simples preuves d’achat, ne constituant pas une facture, sont éditées chaque année en France » et... jetés quelques secondes plus tard. Et son impact sanitaire n’est guère plus brillant : nombreux sont encore les commerçants qui ont recours à des tickets thermiques, dont l’encre contient du bisphénol A, un puissant perturbateur endocrinien.

Inutile, vraiment ?

Vu sous cet angle, rien à redire, ce bout de papier coche toutes les mauvaises cases. D’ailleurs, on aurait sans doute assisté sans moufter à la disparution du ticket de caisse si le magazine 60 millions de consommateurs n’avait pas publié un article web fort étayé - oui, le sujet vaut une enquête.

Ainsi, même s’il n’a rien d’obligatoire (mis à part pour les bouchers et les charcutiers - allez savoir pourquoi il est déjà facultatif), il sert tout de même de preuve d’achat en cas de contestation. Et aussi, pour de nombreux Français aux budgets serrés, à faire leurs comptes.

Concrètement, sa disparition risque de « compliquer la tâche des consommateurs ! », pour reprendre l’expression de Benjamin Douriez, rédacteur en chef adjoint de 60 millions de consommateurs. Il précise : « il faut tout de même savoir que les erreurs de caisse sont légion - même si elle n’ont rien de volontaires. Selon la répression des fraudes, dans la grande distribution, quasiment un prix sur dix (8 %) ne serait pas conforme ! »

« Souhaitez-vous recevoir votre ticket de caisse par mail ? »
(et dire adieu au respect de votre vie privée)

L’autre écueil, soulevé par le magazine, concerne son éventuel remplacement par l’envoi par mail d’un ticket dématérialisé. Et là encore, le bât blesse. Car même si la députée se défend d’avoir envisagé ce recours dans sa proposition, on sait bien à quel point les commerçants seront ravis de récolter aussi facilement nos petites données.






On le voit déjà chez les distributeurs textiles. Chez Camaieu, Promod, Etam… l’heure est déjà au ticket dématérialisé : « Souhaitez vous recevoir votre ticket par mail ? », nous susurrent gentiment les vendeurs. Avant de nous soutirer notre adresse mail... mais aussi celle de notre domicile, notre date de naissance, l’âge de nos enfants… Et pourquoi pas notre taille de soutien-gorge ?

Vous aviez réussi jusqu’à présent à résister aux sirènes de la carte de fidélité ? Pas dit que vous échappiez à celles du ticket dématérialisé. C’est tellement plus chic de balancer ses infos personnelles via le « cloud » que de réclamer comme une vieille grippe-sou un bout de papier susceptible de précipiter un peu plus la fin de la planète.

Et pour ce qui est justement de la planète, rien ne dit non plus que la suppression du ticket de caisse sera du meilleur effet. Selon 60 millions de consommateurs, citant Frédéric Bordage, expert dans l’écoconception des services numérique, le ticket dématérialisé représente 5 grammes de gaz à effet de serre et 3 centilitres d’eau contre 2 grammes et 5 centilitres pour la version papier. A vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain...

Corinne Bouchouchi