Les plans de soutien à l’économie décidés par les États grèveront pendant longtemps leurs finances publiques. Si beaucoup de gouvernements refusent de plomber la reprise par des hausses d’impôts, ils n’ont alors d’autre choix que de renforcer leur lutte contre la fraude fiscale, avec des mesures parfois aussi anecdotiques que le maintien des tickets de caisses en papier.
L’heure des comptes. Pour soutenir les ménages et entreprises confrontés aux difficultés liées à l’épidémie de Covid-19 et au confinement, la plupart des gouvernements n’ont pas hésité à sortir le carnet de chèques. Les États-Unis ont ainsi décidé d’un colossal plan de soutien, de près de 2 000 milliards d’euros, équivalent de 10% de leur PIB ; l’Allemagne y consacrera 4,4% de son PIB, la France 4,1%, l’Italie et l’Espagne, 1,4% « seulement ». En France, les autorités ont prévu un plan de près de 100 milliards d’euros, qui couvrira notamment les mesures de chômage partiel (20 milliards), le fonds de solidarité pour les très petites entreprises (6 milliards) et le report des cotisations fiscales et sociales des entreprises (25,5 milliards), le remboursement anticipé du crédit impôt recherche (23 milliards) ou encore l’enveloppe budgétée pour les très grands groupes en difficulté, comme Air France (20 milliards).
L’explosion de la dette et du déficit des États
Ces efforts, nécessaires pour éviter un effondrement de l’économie, vont très gravement alourdir la dette publique des États volant au secours des entreprises de leur pays. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’impact des mesures de confinement et des divers plans de relance devrait ainsi faire bondir la dette publique des pays développés à 120% de leur PIB. Et ce alors que dans le même temps, leurs recettes fiscales ont fondu, le déficit public dépassant 15% du PIB aux Etats-Unis et 7,5%, en moyenne au sein de la zone euro. En 2020, la dette publique française devrait quant à elle dépasser les 110% du PIB et le déficit public atteindre 7,6%, contre les 3,9% initialement prévus – pire, donc, qu’après la crise de 2008. Le PIB tricolore devrait, enfin, plonger de 10% d’ici à la fin de l’année, signant « la plus grande récession en France depuis 1945 », selon le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire.
« C’est une crise vertigineuse », estime encore l’hôte de Bercy, un choc comparable selon lui « à la crise économique de 1929 ». Les autorités promettent du sang et des larmes, en somme. « Je ne l’ai jamais caché : le redressement économique sera long, difficile et coûteux, poursuit Bruno Le Maire. Il demandera des efforts de la part de tous les Français ». Comment absorber un tel choc ? « Je ne pense pas que plus d’impôts puisse être la solution à la crise », balaie Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics. De fait, une pression fiscale accrue pourrait bien briser tout espoir de reprise pérenne de la croissance. Les choix du gouvernement sont donc limités, les autorités se voyant contraintes, si elles entendent engranger de nouvelles recettes, de redoubler leurs efforts en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
La lutte contre la fraude fiscale, une priorité dans l’après-Covid
Car lors de la crise sanitaire, on a aussi beaucoup parlé de fraude et d’évasion fiscale : le manque de moyens et la désorganisation des systèmes de soin leur étant, en partie, imputables. « Les revenus perdus à cause de l’évasion fiscale des entreprises sont supérieurs aux dépenses de santé des gouvernements », explique Sophie Lemaître, du Centre de ressources anti-corruption de Bergen (Norvège) : « si les gouvernements recouvraient les impôts perdus à cause de l’évasion fiscale, ils pourraient financer les hôpitaux publics, améliorer la qualité des soins », poursuit la docteure en droit, qui n’hésite pas à citer le Pape François, selon qui « il est devenu évident que ceux qui ne paient pas leurs impôts commettent eux aussi un crime : s’il n’y a pas assez de lits d’hôpitaux et de respirateurs artificiels, c’est également leur faute ».